Trop d’information… ou peut-être vraiment pas (2) : et la musique dans tout ça ? 

Si vous êtes nouveau venu au Kerbiquet Wheneverly, vous trouverez peut-être surprenant le courrier précédent : que vient faire ce sujet dans un blog de musicienne ? Que vous importent mes négociations avec mes entrailles ? 

Pour cette fois, je n’ai même pas besoin de recourir à l’argument essentiel, qui est que je parle ici de ce qui me chante. Ni même de vous rappeler que mes soucis sont, ont été ou vont être ceux d’une moitié de l’humanité. Je n’en ai même pas besoin parce qu’en réalité, ce sujet est bien plus en rapport avec la musique que vous ne le pensez… Parce que : 


1) être une musicienne signifie encore évoluer dans un monde d’hommes. C’est-à-dire un monde où vos plus élémentaires besoins hygiéniques sont loin, très loin, d’être toujours pris en compte. La majorité des musiciens et techniciens se soulageant à l’abri du moindre muret, il vient rarement à l’idée des organisateurs de penser à demander aux voisins de la chapelle, par exemple, l’autorisation d’utiliser leurs toilettes. L’éventualité qu’il vous faille vous laver les mains et vous débarasser de quelques déchets non biodégradables est encore moins souvent envisagée. Nous sommes devenues, mes collègues à chromosome XX et moi-même, de véritables as de la survie en milieu hostile et de la prestidigitation (mais je ne vous conseille pas de fouiller nos sacs à main). Il ne nous est pas moins une petite gifle, chaque fois que nous devons faire usage de ces compétences de pointe, de constater que l’on n’est une femme, dans ce métier, qu’à ses risques et périls. 


2) à un niveau à la fois plus technique et plus intime, les musiciennes, danseuses et sportives de haut niveau ressentent sans doute plus finement ce qui est vrai pour de bien plus nombreuses femmes : le cycle hormonal agit en permanence sur les chaînes musculaires (tout change, jusqu’à la voûte plantaire !), les muqueuses, le tonus général – en clair, sur la totalité de notre outil de travail, appareil vocal compris. Apprendre à chanter, danser ou jouer revient à apprendre à réapprendre tous les jours à se servir d’un instrument qui n’est pas ce qu’il était la veille, ni ce qu’il sera le lendemain. Nous cherchons un équilibre, mais nous le cherchons avec des paramètres toujours renouvelés. Cela est vrai pour les hommes comme pour les femmes – le corps des hommes non plus n’est pas un menhir inchangé d’un jour à l’autre. Mais il en va de ces variations comme de celles de notre humeur : nous pouvons en avoir mieux conscience qu’eux parce que nous les ressentons plus et plus vite. S’il fallait revendiquer quelque chose dans ce domaine, ce serait la reconnaissance de ce savoir-là : comme un élément vital de l’enseignement à donner, et comme une richesse, et non des moindres, chez celles qui le possèdent.