*Marcel Le Guilloux, chanteur, conteur, paysan du Centre-Bretagne : enfin là ! 

Ça y est ! Il y a quelques semaines, Dastum s’est fait livrer "une pleine palette de Marcel Guilloux" ! La copie avait été rendue mi-janvier dernier, par votre servante et une graphiste/chargée d’édition (l’héroïque Caroline Le Marquer) l’une et l’autre dans le même état que le coureur de Marathon. Le petit – un beau bébé de 464 pages grand format, qu’il vaut mieux ne pas se faire tomber sur le pied – vient d’être baptisé en bonne et due forme, samedi 23 mars à Plounévez-Quintin (la salle de Lanrivain étant encore occupée à se refaire une beauté) : un bon et long fest-noz, évidemment ! 

Que trouvera-t-on donc dans cet excellent ouvrage enfin disponible ? Eh bien, attendu que je me suis décarcassée à écrire un texte de 4e de couverture qui réponde précisément à cette question, vous le voici tout cru : 


Comment le petit dernier d’une famille rurale du Centre-Bretagne, né en 1930, est devenu un grand interprète de la tradition de chant à danser en breton, un acteur majeur de sa transmission, un conteur, un éleveur passionné par ses bêtes, un bénévole engagé dans des initiatives qui ont marqué son pays : Marcel Le Guilloux se raconte à quelques-uns de ses élèves et amis. 

Avec un art consommé de la parole et du détail, il évoque l’univers de son enfance ; son parcours de chanteur, du premier renouveau de la musique bretonne aux grandes scènes d’aujourd’hui ; son travail de paysan dans un monde agricole en pleine révolution, en dépit du handicap de la malvoyance, aux côtés de sa sœur Maria et de son beau-frère André ; son intense activité d’enseignant du kan ha diskan et ce qu’il y a lui-même appris. Une conversation sur l’art du conte s’accompagne d’un florilège de ses histoires ; un inventaire de près de 80 chansons de son répertoire est l’occasion de revenir sur la façon dont il a appris chacune d’elles, et d’en éclairer nombre de détails. 

Une vie de chanteur, dont le CD joint donnera un échantillon : 30 plages d’archives, de 1958 à 2018, où l’on entendra Marcel en compagnie de treize de ses nombreux compères et commères. 

Né lui-même à la croisée des mondes, témoin et participant des mutations du siècle écoulé, Marcel a toujours eu à cœur d’offrir aux jeunes générations les richesses des précédentes ; c’est ce qu’il fait encore tout au long de cet ouvrage, avec la générosité, l’humour et la vitalité qu’on lui connaît – ou que l’on aura plaisir à découvrir. 

Entretiens avec Marthe Vassallo, Ifig et Nanda Le Troadec, Nolùen Le Buhé, Annie Ebrel, ainsi que Jean-Pierre Le Guyader pour Radio Kreiz Breizh, mis en forme et traduits par Marthe Vassallo.

Chansons transcrites et traduites par Ifig et Nanda Le Troadec.


En chiffres, ça donne : 

- 200 pages d’entretiens ;

- 70 pages de contes et histoires (traduits en français, plus la transcription et traduction de deux histoires que l’on peut déjà entendre en « live » à Dastum)

- 75 textes de chansons, avec les commentaires de Marcel recueillis lors de nos relectures ensemble, des tas de références audio (notamment sur ce que je persiste, en bon dinosaure, à appeler « la magnétothèque Dastum »), et des partitions quand il n’existait pas d’enregistrement ; 

- Un CD d’archives compilé par Ifig et Nanda, où l’on entendra Marcel de 1958 à 2018 – ça, ce n’est pas la cerise, c’est un autre gâteau sur le gâteau…

Et comment se procurer ce mirifique opus dont l’absence laisserait un vide insoutenable dans votre bibliothèque et votre vie ? Eh bien, sur le site de la boutique Dastum, sur celui des Presses Universitaires de Rennes, ou tout simplement chez votre libraire chéri, qui pourra vous le commander en moins de temps qu’il n’en faut pour dire : 

Marcel Le Guilloux, chanteur, conteur, paysan du Centre-Bretagne, Marthe Vassallo, Ifig et Nanda Le Troadec, éditions Dastum/Presses Universitaires de Rennes. 

(Pour ne rien vous cacher, il est aussi disponible sur un grand site de distribution dont l’initiale est un des A de GAFA – non, pas l’Apple Store.)  


Voilà, vous savez l’essentiel ! A présent, si la petite cuisine artistique et les confidences vous ennuient, vous pouvez quitter cette page… 


…Bon, maintenant qu’on est entre amis, je continue : c’est là un chantier de très, très longue date qui s’achève, et je ne me suis pas encore déshabituée de la pensée que, dès que j’ai un moment de libre, il faut que je rouvre l'ordinateur pour l'avancer un peu. La dernière année, et particulièrement les derniers mois, furent extrêmement denses ; j’ai travaillé jusque dans les coulisses des salles entre deux passages de Loened Fall. Ce fut une aventure passionnante, pleine de bons moments, de café, de crêpes et d’eau chaude (ainsi que de quelques doigts de boissons plus fermentées), et de découvertes – « Quoi ? Dans ce couplet, ce n’est pas le gars lui-même que la jeune fille veut mettre sous clef dans l’armoire ? » – « Marcel, je n’ai toujours pas compris comment on faisait une gerbe de blé noir… » – « Ah, en fait, là, ils sont trois sur le cheval ! ». Il y eut le plaisir de faire plus ample connaissance avec André – lui aussi un grand bonhomme – et, bien que trop brièvement, avec Maria. Il y eut aussi des océans de culpabilité de ne pas réussir à avancer plus vite, tout particulièrement lorsque, Maurice Duhamel et son livre bleu ayant fait une OPA sur mon temps de travail en 2013, j’ai voulu cravacher sur lui dans l’espoir de retourner plus rapidement à nos moutons, et n’ai réussi qu’à m’épuiser propre et bien au point de perdre encore plus d’un an. (La synthèse des entretiens exigeait un petit cerveau capable d’une vue d’ensemble sur une très grosse quantité de texte et de fichiers différents. C’est cette capacité qui a mis le plus longtemps à revenir après ma Grande Fatigue.) 

C’est aussi un drôle de détour dans mon chemin, un travail (bénévole) à la fois extrêmement prenant et aussi peu « à moi » que possible. L’exact inverse, en fait, des Chants du livre bleu, où je tentais de faire découvrir un certain nombre de sujets à travers l’expérience intime de les découvrir moi-même. Ici, c’est l’expérience subjective de quelqu’un d’autre que j’avais pour but de partager ; et si je sais qu’il serait bien naïf de me croire transparente, je n’en ai pas moins cherché à m’effacer le plus possible. Les entretiens ont toujours été collectifs, et je co-signe l’ouvrage avec Ifig et Nanda qui, en plus d’avoir presque toujours été de l’aventure, ont abattu un travail surhumain pour y ajouter les textes de chansons. 

Le paradoxe est qu’il est également vrai qu’il y a dans ces pages un bon gros bout de ma vie, de mon temps et de mon énergie – alors même que j’ai été un peu choquée la première fois que, lors d'une réunion avec Dastum, je me suis entendue appeler auteur du texte des entretiens. Comment peut-on, pensais-je, être l’auteur d’un texte qui ne vise qu’à porter la parole de quelqu’un d’autre ? La réponse est : en consacrant un énorme travail à la transposition écrite de cette parole… Et je me rends compte, aujourd’hui, que ce bouquin s’intègre dans mon parcours et mon discours artistique précisément parce que j’ai toujours tenu pour évident qu’il n’avait pas vocation à en faire partie.

Il s’y inscrit aussi pour une autre et bien plus simple raison : Marcel est tout bonnement, pour moi comme pour Ifig et Nanda et comme pour tant et tant de chanteurs, de danseurs, et d’autres gens encore qui ne dansent ni ne chantent, quelqu’un d’important. Comme un membre de la famille, dont on fait d’abord la connaissance, enfant, à travers ce qu’il vous apporte, mais qui, loin de devenir plus petit à mesure que l’on grandit, apparaît au contraire de plus en plus dans l’étendue de sa vie, dans sa complexité, dans ses réalisations et dans ses batailles. On trouvera, dans la première partie, la photo d’un petit Marcel de 6 ou 7 ans, à peu près aveugle (l’opération qui lui donna une vue partielle n’était pas possible avant ses 10 ans), assis, les pieds encore loin de toucher terre, entre son père et sa mère. Ce qu’il a fallu à ce pitchoun pour devenir notre « Tonton Marcel » et bien d’autres choses encore, c’est cela, aujourd’hui, qui me frappe – bien au-delà de la dette de gratitude pourtant considérable que, comme tant d’autres, j’ai envers lui dans ma vie de chanteuse.