J’aime le son du kozh à midi au fond du jardin

Midi dans le Sud Trégor, l’heure bâtarde où les lève-tôt s’attablent et où les couche-tard finissent leur café… La météo non plus ne sait pas très bien quelle heure il est, un vent nuageux d’octobre parasite un soleil très haut, comme si le cosmos était dans le même état de flottement que moi, et les chênes semblent danser d’hésitation en se demandant quelle direction prendre, tandis que je regarde le journal sans le voir en sirotant mon quatrième thé.


Mon compagnon et son ami hollandais en visite viennent de sortir pour assouvir au fond du jardin leur passion commune pour le biniou et la bombarde. Deux minutes plus tard, traversant la brise, la résonance du vallon et le coton de mon cerveau, me parvient l’octave familier d’un appel à la danse. Je m’en aperçois une fois de plus: c’est bête, c’est drôle, c’est touchant, c’est curieux comme je réagis instantanément à ce son. Rien à voir avec la qualité musicale, aucune celtomanie non plus: c’est dans le timbre lui-même, dans ce coup de génie qu’ont eu les bretons de coupler deux instruments à anche à un octave de distance, de sorte qu’ils se renforcent sans se gêner; sûrement aussi dans tous les bons souvenirs que mon cerveau a gravés en même temps que ces fréquences. Quoi qu’il en soit, le résultat est là: le seul son du biniou-bombarde m’envoie une sorte de confort, l’information souterraine que je suis chez moi. Et me laisse, par ricochet, amusée de la puissance de ce réflexe pavlovien.


Du reste, je ne suis pas la seule: alangui sur le seuil, Kimmel-le-Chien a lui aussi reçu le message et, histoire de ne pas être en reste, entonne mezzo-piano un petit hurlement avec la meute. Quand on vous dit que la musique bretonne a une portée universelle.