L’indignation est à la mode…

…alors au moins, portons de la vraie: la dernière émission de Zoé Varier  devrait vous fournir la matière première. Elle nous raconte deux cas de familles françaises empêchées par une inertie administrative ahurissante d’accueillir chez elles leurs enfants, petits-enfants ou neveux haïtiens après que ceux-ci aient perdu leurs mères dans le séisme de janvier dernier.


Je sais bien que l’émotion n’est pas bonne conseillère en ce qu’elle isole arbitrairement celui qui en fait l’objet de bien d’autres personnes dont la détresse et le besoin ne sont pas moindres. Ces familles ne sont que des exemples parmi d’autres, et des histoires tragiques parmi des millions en ce bas monde. Hélas. Mais leurs drames ont quelque chose de spécialement révoltant: c’est qu’il en faudrait si peu pour qu’ils trouvent une heureuse fin. Bien sûr qu’on ne peut pas soulager toute la misère du monde: mais dans ce cas précis des enfants perdent déjà un an de tendresse et d’éducation simplement parce que quelqu’un, quelque part, fait preuve d’un zèle grotesque. On pleure en écoutant cette émission; mais c’est de rage.




PS: si mon titre a l’air de persifler ce n’est qu’à demi-cœur. D’un côté je pressens que ce mot d’indignation va hélas se trouver galvaudé comme bien des beaux vocables avant lui; de l’autre, j’ai eu l’occasion d’assister un jour à une intervention de Stéphane Hessel (auteur, si vous sortez juste d’hibernation, de cet Indignez-vous! que je n’ai point encore lu) et je dois dire que j’étais restée bouche bée, non tant des idées qui résonnent avec les miennes, mais de l’incroyable flamme de cet homme plus vieux que je n’ose espérer le devenir un jour. Une «bête de parole» comme on dit une «bête de scène», à qui va mon admiration d’artiste autant que de citoyenne, et presque une sorte de gratitude: je ne sais pas ce que je penserai du livre, mais son auteur nous prouve qu’on peut, au bout d’une très longue vie humaine, rester riche de l’envie et de la force de parler, de prendre part, de défendre, de partager ce savoir que parfois l’on arrive à obtenir du temps qui passe.