*Résidence (Ebrel/ Le Buhé/ Vassallo: ça avance!)

Ciel! Trois semaines de silence! Je vous néglige, ma parole!

Il faut dire que ces trois semaines ont filé en un éclair, la faute aux mille choses en attente depuis des mois, qui ont sournoisement profité de la première seconde de relâche pour me tendre une embuscade bien ficelée.


La faute aussi à une pleine semaine de travail avec Annie Ebrel et Nolùen Le Buhé à Fougères, pour expérimenter plus avant encore, cette fois avec la compositrice Frédérique Lory et Messire Patrick Ewen.


C’est le moment de lâcher un de ces mots dont l’Homo Sapiens Professioneldelaculturensis abuse sans même s’en apercevoir, cependant que le simple mortel n’y entend rien d’autre qu’un mystère dont, soit dit en passant, il n’a que peu de choses à cirer:


“résidence”, n.f.: de “travail en résidence”: session de travail d’un ou plusieurs artistes dans un lieu et un temps donné, à l’invitation d’une entité généralement liée à ce lieu.

Ex: “le directeur du théâtre nous propose une résidence”, “il est en résidence pour une semaine”.


Amusant comme un mot qui se trouve si souvent attaché à des idées de sommeil, d’inertie, de durée, voire de vacances (quartier résidentiel, résidence secondaire, résidence Bellevue…) devient pour nous autres synonyme de période de travail intense, de brièveté (la plupart des “résidences” se chiffrent en jours plus qu’en semaines) et de transformation car l’objet même de ces sessions est de découvrir et de développer, c’est-à-dire de rentrer chez soi au moins un peu changé!


Dans le ravissant théâtre à l’italienne de Fougères, nous avons donc mis sur pieds deux nouveaux morceaux, poussant plus avant le travail à trois voix grâce à la science et la finesse de Frédérique; sous l’œil lumineux de Patrick, nous avons affiné ce que nous voulions vous raconter entre les chansons; et pendant ce temps encore, le régisseur lumière du théâtre, Jean-Luc Boulanger, nous mitonnait des éclairages idoines…


Auparavant, en septembre, outre une première rencontre avec Frédérique, nous avions pris deux jours avec la chanteuse et comédienne Afida Tahri.


Pour travailler quoi? J’aimerais pouvoir vous le dire avec des mots clairs… Je me souviens que quand, petite fille, je demandais à mon ingénieur de papa sur quoi il travaillait, il soupirait un: “je peux te le dire, mais tu n’en saurais pas plus”… Chaque fois que je dis que j’ai beaucoup appris de telle ou telle collaboration et qu’on me demande d’être plus précise, je pense à mon papa et je soupire à mon tour… Disons qu’avec Afida, nous avons cherché à mieux être chacune à elle-même, aux autres, au geste vocal (“geste vocal”? Encore du jargon!)… Explorer notre corps, notre personne et notre musique comme un pianiste fait des gammes.


Hélas, ce genre de travail ne peut se décrire qu’en termes éthérés, pour ne pas dire fumeux! Alors qu’il s’agit au contraire, pour qui s’y frotte, de la besogne la plus concrète qui soit, avec des avant et des après tout-à-fait précis, des entraînements, des techniques, des plis à prendre…


Bon, maintenant y a plus qu’à! Digérer, roder les nouveaux morceaux – et là, pas de mystère: plus c’est élaboré, plus il y a de travail dans la mise au point! Mais à la clef, il y a une version plus riche et plus sûre de notre concert, quelque chose qui devrait se rapprocher encore du but que nous poursuivons: présenter le chant breton a capella dans toutes ses profondeurs, le bouleverser sans jamais le perdre, et y amener ceux qui pensaient en avoir tout entendu comme ceux qui croyaient ne rien vouloir en entendre. Et il y en a!