Si belle et si douloureuse gavotte

Je n’ai le temps de reprendre la plume qu’aujourd’hui, alors que c’est samedi dernier que nous avons dit adieu à Pascal Boccou. J’ai hésité à en parler ici:  je n’étais pas de ses intimes et je redoute l’indécence de me réclamer, en quelque sorte, d’un chagrin qui appartient aux siens bien autrement qu’à ceux qui, comme moi, se contentaient d’être heureux de le retrouver aux grands rendez-vous et de lui porter de loin estime, confiance et amitié.

  

Pourtant il me serait étrange de n’en rien dire: il s’est dépensé sans compter pour tant de choses qui, j’imagine (puisque vous êtes ici!), vous sont aussi chères qu’à moi – la solidarité, la vie locale, la langue bretonne, la musique d’ici et d’ailleurs, la fête, la fantaisie, l’irrévérence…


Si vous le connaissiez, vous savez déjà tout cela.

C’est pour ceux qui ne le connaissaient pas que je voudrais juste mentionner cet article qui vous donnera une idée de ce  bonhomme hors normes; juste évoquer ce samedi, la place noire de monde pour l’hommage de l’après-midi, et illuminée tard dans la nuit pour la plus féroce des fiestas parce que pour saluer Pascal il eût été inconcevable de ne pas chanter, danser et boire, alternant dansoù-tro, fanfare et Soldats du 17e. Inconcevable aussi de ne pas rester ensemble…


S’il reste un de mes lecteurs pour qui une gavotte est un aimable amusement folklorique, je voudrais pouvoir lui envoyer mon souvenir de celle qui a clôturé la cérémonie ce jour-là. Une gavotte sonnée, une gavotte sans paroles qui disait tout ce que nous ne pouvions dire, tout ce qui nous reliait les uns aux autres et chacun à celui qu’il était temps de laisser partir. Le pas, sur le macadam, était lourd et sans fioriture, mais si déterminé qu’on aurait juré entendre sonner un plancher.


Il y a encore autre chose que je voudrais dire dans l’espace public de ce journal: mon admiration sans bornes pour tout ce que Pascal arrivait à faire. Non seulement pour les raisons qui le faisaient agir, mais pour la simple quantité de besogne qu’il réussissait à abattre, tout en étant le bon vivant que l’on sait. Une de ses collègues d’association a dit qu’elle s’était toujours demandé comment il arrivait à concilier à ce point «efficacité et démesure». Pour moi qui me noie dans le moindre verre d’eau organisationnel, qui éprouve régulièrement le besoin de m’enfuir au fin fond de mon terrier, et dont l’organisme crie vengeance au premier demi de trop, les gens qui font le quart de ce qu’il faisait sont déjà un mystère. J’ai fait ma devise de la phrase d’Eleanor Roosevelt: «nul ne peut vous faire vous sentir inférieur sans votre consentement». Face à quelqu’un comme Pascal, j’y consens de tout cœur.