Ne nous laissons pas distraire…


De ma boîte mail à ma radio, je n’entends que commentaires, contre-commentaires et contre-contre-commentaires à propos de la récente Breizh Touch (où, du reste, il se trouve que je n’étais pas. J’étais à Stains avec Loened Fall, pour un petit fest-noz qui suivait la projection du match de rugby, et j’ai passé une fort bonne soirée). Je suis tout ça avec la sérénité d’une Prim’Holstein qui reviendrait d’un stage de zen, me disant que si l’occasion s’en présente  j’en discuterai volontiers entre quatre-z-yeux avec certains intéressés et autres contre-commentateurs, dont beaucoup sont de mes amis même s’ils se f…ent régulièrement sur la gueule. (Mais quiconque vit en Bretagne apprend à vivre avec des amis qui se f…ent régulièrement sur la gueule.)


Pour prendre un peu de hauteur, je voudrais juste vous signaler la sortie imminente de deux CD:


– l’autre jour sur France Bleu Breizh Izel, voilà que me chatouille l’oreille une chanson bien troussée décrivant un fest-noz improvisé “sous l’hangar” (avec “h” aspiré de rigueur). Diantre, me dis-je, mais c’est réjouissant! Qui sont ces petits jeunes prometteurs? Ces voix me rappellent quelque chose… Eh bien c’étaient Messires Patrick Ewen, Gérard Delahaye et Melaine Favennec. Trois jeunes gens qui chantaient déjà quand je suis née ou peu s’en faut… Et qui le font toujours, avec sagesse et simplicité, refusant de renoncer au bonheur des vieux rêves. Merci les gars, et respect. Je n’ai pas encore entendu le reste de l’album, mais “Sous l’hangar” est d’ores et déjà sur la play-list de mes petits déjeuners!


– Manuel Kerjean nous a quittés il y a dix ans. Dastum boucle en ce moment un beau, gros CD d’enregistrements de lui.



Peut-être ignorez-vous qui était Emmanuel Kerjean dit Manuel ou Manu? Un grand, très grand chanteur traditionnel (ou populaire, ou schtroumpf, appelez ça comme vous voudrez, zutre à la fin) du pays Fisel, qui a porté un style musical particulier à un degré de richesse et d’aboutissement admirable. Une personnalité marquante pour bien des chanteurs (à commencer, bien sûr, par Erik Marchand; c’est lui qui a réuni les enregistrements de cet album), à qui il prodigua enseignement, conseils, encouragements. Un paysan, et un artiste au sens le plus fort du terme. Il chanta toute sa vie et jusque sur son lit d’hôpital, avec une puissance, une maîtrise et un raffinement qui nous épatent toujours autant…


En d’autres termes, voilà un album que se devra de posséder tout jeune chanteur qui se respecte, tout amateur de bon fest-noz – et peut-être, plus simplement, quiconque est bouleversé par le grand art sous toutes ses formes.


Bon, diront les crétins chagrins, trois vétérans des années 70 et un paysan mort, c’est ça ta Bretagne de demain? A quoi je réponds: j’espère bien! Parce que dans ces deux CD, chacun à sa façon, il y a quelque chose qui se moque du temps, qui le roule dans la farine, qui en tire le meilleur, le savoir, pour en obtenir quelque chose qui lui échappe: la beauté, la chaleur, l’énergie. Et cela n’a plus ni lieu, ni date. Blancs-becs, mes frères, prenons-en de la graine…



PS: J’aurai eu l’honneur de contribuer un petit peu au CD de Manuel en travaillant sur les transcriptions avec Ifig et Nanda Troadeg, et en exploitant Mr Charles Vassallo, co-auteur de mes jours et fin connaisseur de Photoshop, pour restaurer la photo ci-jointe. En revanche, hélas, le soir du fest-noz organisé en l’honneur de Manuel (le 20 octobre à Plouray), Loened Fall sera à Lyon. (Bon, amis lyonnais, on ne va pas se plaindre quand même, hein!)