Oui, je sais, c’est bien beau, mes couchers de soleil, mais pendant ce temps-là…
En parler ici ou pas?
Dans ma famille, on traitait la politique comme la religion: une question privée, relevant de la réflexion de chacun. A mes questions les jours d’élections, mes parents me répondaient que le vote était secret. Ils nous ont laissés nous forger nos propres opinions et je leur en sais gré.
La position d’artiste nous place dans un entre-deux inconfortable, où l’on est tantôt pressé de s’exprimer, tantôt accusé d’abuser de la confiance du public et d’un micro qui n’était pas destiné à amplifier ces choix-là. Mon point de vue intime est plutôt: qui suis-je pour vous dire que penser?
Mais je suis ici dans mes pages, et rien ne m’interdit de dire simplement (ce qui n’étonnera pas grand monde) que je vais voter Ségolène Royal. Cela resterait une affaire entre l’isoloir et moi, n’était que le chacun-pour-soi généralisé de Nicolas Sarkozy, les méthodes qu’il emploie pour le défendre, et la vision inquiétante de l’humain qui le sous-tend, ne correspondent pas à l’idée que je me fais du pays où je veux vivre – et que cela, j’éprouve le besoin de le dire.
Vous qui me lisez mettrez peut-être l’autre bulletin dans l’urne. C’est votre droit. Je serai atterrée (vraiment) si votre candidat passe, vous le serez peut-être si c’est la mienne qui l’emporte. (Dans le premier cas, accessoirement, ne vous étonnez pas si d’ici quelques années je dois, comme des milliers de mes collègues, abandonner faute de budgets le métier dont les fruits vous ont amené à lire ces pages…) Mais c’est la règle du “jeu”, et il faut se réjouir de pouvoir y “jouer”. Je ne vous en voudrai que si vous snobbez la table: c’est pourquoi j’ai signé l’appel des artistes (tout en ayant des réserves sur sa syntaxe): que vous ne votiez pas comme moi, quoi de plus normal, mais j’aurais du mal à pardonner à ceux, d’opinion plus proche de la mienne, qui dédaigneraient un droit que tant de gens sont morts d’avoir voulu obtenir et que ma propre grand-mère n’a eu qu’à 28 ans.
Voilà. C’est tout.