Trouvé, donc, par ma grand-mère Germaine Villaneau entre les pages d’un livre, peu après la mort de son grand amour, mon grand-père François Villaneau. C’est le numéro 74 des sonnets de Shakespeare, dans sa traduction à lui.
LXXIV
Console-toi : demain, quand les décrets rigides
M’arracheront à toi sans délai ni recours
Tu ne vas pour autant demeurer les mains vides.
Va, le meilleur de moi t’accompagne à toujours.
La belle part de moi qui t’était consacrée
Quand tu liras ces mots soudain t’apparaîtra ;
Ma glaise au fond du sol peut bien être enterrée,
Non l’esprit qui fut tien et qui le restera.
Et tu n’auras perdu par la mort de ma chair
Qu’un misérable moi, le déchet de ma vie,
Le butin d’un couteau, la pâture d’un ver,
Une chose de rien, trop digne qu’on l’oublie.
Non, pour ce corps défunt ne te fais nul souci :
Mon esprit, tu le tiens ; je te le donne ici.
(Shakespeare, traduction François Villaneau.)
LXXIV
But be contented: when that fell arrest
Without all bail shall carry me away
My life hath in this line some interest
Which for memorial still with thee shall stay.
When thou reviewest this, thou dost review
The very part was consecrate to thee
The earth can have but earth, which is his due
My spirit is thine, the better part of me.
So then, thou hast but lost the dregs of life,
The prey of worms, my body being dead,
The coward conquest of a wretch’s knife
Too base of thee to be remembered.
The worth of that is that which it contains:
And that is this, and this with thee remains.