Parce que tomber là-dessus fut le cadeau de ce matin, à une terrasse de café rennais où je chauffais mon petit corps souffreteux de chanteuse de fest-noz en manque de sommeil, dans l’étrange calme d’une place Ste Anne dépeuplée par les vacances étudiantes… mais surtout parce qu’il me semble que cela prend une résonance particulière pour quiconque se mêle de musique traditionnelle, d’en chanter comme d’en entendre:
“Toutes les joies des aïeux
ont passé en nous et s’amassent
leur cœur, ivre de chasse,
leur repos silencieux
devant un feu presque éteint…
Si dans les instants arides
de nous notre vie se vide,
d’eux nous restons tout pleins.
Et combien de femmes ont dû
en nous se sauver, intactes,
comme dans l’entr’acte
d’une pièce qui n’a pas plu –
parées d’un malheur qu’aujourd’hui
personne ne veut ni ne porte,
elles paraissent fortes
appuyées sur le sang d’autrui.
Et des enfants, des enfants!
Tous ceux que le sort refuse,
en nous exercent la ruse
d’exister pourtant.”
Rainer Maria Rilke, Vergers, Gallimard.