…évidemment, je n’avais pas l’appareil sous la main pour vous la cueillir. Mais je vais essayer de raconter.
C’était une heure ou deux avant le fest-noz, dans cette espèce de calme étrange où frémit déjà la fête à venir. Les lumières étaient donc dûment prêtes, et la salle entière, encore vide, baignait dans une pénombre violette; un projecteur isolé y dessinait à la verticale un insolite cône de lumière, terminé par une tache ronde au sol.
Et voilà qu’arrivent deux enfants qui aussitôt s’approprient le rayon. D’abord ils jouent simplement à se planter en pleine lumière, à se pousser l’un l’autre au dehors, au dedans; puis le jeu gagne en subtilité, et tantôt ils se tiennent dans l’ombre et hasardent un bras ou une jambe dans la clarté, tantôt ils déploient des contournements savants par l’intérieur ou l’extérieur du cône lumineux. Cela dure, se développe, se construit.
L’éclairagiste, les apercevant, rentre-t-il dans le jeu à son tour? Ou bien vérifie-t-il la bonne marche de son projecteur sans voir les deux moineaux qui volettent autour? Toujours est-il que le faisceau lumineux se met tout-à-coup en mouvement. Et les deux petits danseurs s’élancent à sa poursuite… Grands galops d’un bord à l’autre de la piste, sautillements, pas chassés, glissades, comme s’ils espéraient, à eux deux, attraper cette lumière par la queue et la garder pour toujours…
A l’autre bout de la salle, le souffle coupé, je regarde. Et je pense aux plus beaux moments de danse ou d’improvisation qu’il m’ait été donné de voir…