It gets better! Si vous comprenez bien l’anglais…

…munissez-vous d’un bon stock de mouchoirs et allez faire un tour par là:


http://www.youtube.com/user/itgetsbetterproject


Il s’agit d’une campagne menée par et pour le public des «minorités sexuelles» américaines. Mais même pour un membre comme moi de la plus quelconque, hétérosexuelle et européenne majorité, il y a là un trésor humain à ne pas rater.


Tout est parti de la médiatisation de plusieurs affaires de suicides d’adolescents malmenés par leurs camarades de collège pour leur homosexualité – réelle ou même simplement supposée. L’ironie du sort est que ces suicides ne sortaient en rien, paraît-il, des tristes statistiques en la matière; mais ces infortunées gouttes d’eau ont fait déborder le vase et le dénommé Dan Savage a eu cette idée géniale: une grande collecte de messages vidéos adressés aux ados concernés par le problème par d’anciens ados qui l’ont surmonté, autour du leitmotiv «it gets better». En d’autres termes: «tenez bon: plus tard, c’est vachement mieux».


Il a lancé la boule de neige lui-même en enregistrant, avec son compagnon, une première vidéo. Aujourd’hui ce sont des centaines de message que l’on peut regarder, postés par des grand(e)s, des petit(e)s, des gros(ses) et des gras(ses), des Monsieur ou Madame Tout-le-Monde et des célébrités, des monogames pépères et des aventuriers solitaires, des voisins de palier, des Priscillas et des prêtres, des intellectuels à la parole précise et de piètres orateurs, des autosatisfaits et des incertains… et même quelques hétéros. Sans compter deux chanteuses d’opéra new-yorkaises!  De la maison de retraite à l’adolescence, du fin fond du Midwest aux grands centres urbains, tous racontent leur découverte et leur acceptation de leur identité, la violence – morale et physique – rencontrée, les faux amis perdus, les vrais liens trouvés. Et surtout, surtout, ils sont tous venus dire que leur vie est infiniment plus belle aujourd’hui que quand ils avaient quatorze ans…


Le combat social, culturel, est au cœur de la démarche – et le moins qu’on puisse dire est que l’image du système scolaire américain n’en sort pas grandie! Mais ces vidéos touchent bien au-delà. Avez-vous souvent, vous, entendu des centaines de gens de tous acabits converger pour dire que la vie en vaut la peine? Et, mieux encore, que ce n’est pas seulement LA vie, la vague vie du ciel bleu et des petits zoiseaux, celle qu’on peut aimer tout en se sentant trop faible pour la supporter, mais LEUR vie, leur petite et imparfaite vie, qu’ils sont heureux de vivre?


Le message n’est pas rose; la maman d’un jeune gay explique face caméra que «le plus probable est que vos parents vous aiment et qu’ils accepteront qui vous êtes; mais il se peut aussi que ce ne soit pas le cas, et ce sera plus dur car vous devrez alors trouver une nouvelle famille»;  une sexagénaire tatouée commence par «je comptais enregistrer mon message la semaine dernière, mais ce jour-là je n’arrivais pas à me persuader que les choses étaient vraiment mieux», avant de décrire avec humour une vie entière de marginalité assumée;  une femme prêtre rappelle que «oui, les choses s’améliorent, mais nous devons continuer à nous battre pour cela, et c’est pourquoi il faut que vous restiez parmi nous».


Et c’est là que «It gets better» prend tout son poids: il ne s’agit pas seulement de raconter que le soleil brille. Tous ces gens, si divers soient-ils, ont une chose en commun (et qui n’est pas leur sexualité, aussi variée que tout le reste): tôt ou tard, ils ont décidé d’assumer qui ils étaient, d’accepter de bâtir leur vie hors des lotissements assignés et de tenir tête à ceux qui leur en refusaient le droit; et ils viennent attester que le jeu en vaut la chandelle.


Qui a dit «politiquement correct»? Il n’est pire conformiste que celui qui croit que l’usage de ce genre de formule est le signe de son indépendance d’esprit. Bien sûr que «soyez vous-même» (ou cherchez à l’être!) est un précepte galvaudé, parfois caricaturé involontairement par ceux-là même qui le professent; mais je défie quiconque d’en ricaner quand il est reformulé, avec tant de franchise et de force, par tant de gens qui ont vécu dans leur cœur et dans leur chair le prix qu’il coûte et les beautés qu’il permet.