*«Chansonologie»: cette fois, ça marche!

Si vous êtes pressé, voici l’essentiel: «Chansonologie», mon nouveau spectacle avec Lydia Domancich, dans sa nouvelle version entièrement réécrite, sera présenté en avant-première à Uzel, salle du Kastell d’Ô, le 10 avril à 16h00, entrée libre. Profitez-en, après ce sera la saison prochaine seulement!


«Chansonologie», c’est une tentative de répondre à la question «au fait, ça marche comment, une chanson?». Plus précisément, d’y répondre en rapprochant de chansons contemporaines – les miennes et celles de plus augustes autres, de Brassens à Pink Floyd – des chansons de tradition orale, bretonne ou non, pour mettre en lumière l’oralité fondamentale de la chanson. Le tout, si possible, avec de la bonne musique et des spectateurs émus, surpris, occasionnellement hilares et globalement contents d’être venus.


Le spectacle aurait dû voir le jour l’année dernière, mais de multiples contretemps en avaient décidé autrement et seules deux présentations informelles, sans re- et sans lumières, avaient eu lieu. Elles avaient été suffisantes, cependant, pour constater que l’écriture laissait à désirer. C’était déjà une chose que les réactions aient été très, très contrastées; mais c’en était une autre, décisive, que Lydia et moi ayons nous-mêmes l’impression qu’il fallait ramer bien dur pour faire avancer la barque. Quand vous vous faites la réflexion, à mi-parcours d’un spectacle que vous avez écrit, que vous n’être pas en train de vous amuser comme à l’ordinaire, c’est que quelque chose nécessite une sévère révision.


J’ai donc demandé à Lydia et à Sophie Glarner (producteur principal de l’affaire) de me laisser du temps pour réfléchir, sans même exclure la possibilité d’abandonner carrément si ma conclusion s’avérait être que mon concept n’était pas viable – ce qui était, du reste, l’avis sans ambages de certains professionnels! Puis je suis partie quelques semaines vivre de pain sec, d’eau et de réflexion dans une grotte du Sinaï. J’en suis ressortie avec la conviction que:


  1. a)je ne voulais pas laisser tomber le propos central, j’avais vraiment envie de vous raconter comment Bella Ciao et l’histoire d’un crime commis vers 1560 accompagnent les auteurs d’aujourd’hui;


  1. b)il n’allait pas suffire de tirer un peu ici en poussant là, c’était ma construction initiale qui était défaillante. C’est ainsi, créer c’est expérimenter, et quand on expérimente il arrive que l’expérience foire - je tremble que, dans un monde par trop ultralibéral, les décideurs de la culture en viennent à perdre complètement de vue cette vérité… 


J’ai donc demandé encore du temps à mes comparses pour recommencer à zéro, en repartant de toute la matière disponible, y compris de nouvelles chansons que j’avais trouvées entretemps.


Vous n’avez pas idée des avatars par lesquels est passé ce spectacle dans ma tête, pendant les mois qu’a duré cette étape. Comme dans ces jeux de labyrinthe où l’on suit piste après piste pour se heurter à un mur et recommencer depuis le départ, j’ai envisagé des débuts, des fins, des images, j’ai filé des fils conducteurs qui ne conduisaient rien du tout, pris des notes qui tournaient en rond ou me menaient sur la Lune… Et puis, quelque part cet hiver, j’ai eu une Nième idée. Mais cette idée-là était plus rigolote… et contrairement à ses prédécesseurs elle ne s’éteignait pas aussitôt grattée comme une allumette défectueuse.


Quand une idée tient la route, elle exerce une attraction sur d’autres morceaux d’idée qui jusque-là restaient inertes parce qu’orphelins, et un corps commence à se construire… Encore quelques semaines d’essorage de cerveau, de ces temps où l’on devient absent et irritable (mon compagnon est un être admirable!), et j’ai pu montrer à Lydia un plan tout neuf, et pousser un gros soupir de soulagement quand elle a opiné du chef en me disant que j’avais bien travaillé… 


Nous sommes allées, fin février, remettre le nouvel ouvrage sur scène avec les lumières (littérales) de Laurent Poulain et (figurées) de Jean-Yves Gourvès, en ce théâtre de Morlaix dont Jean-Yves est le nouveau directeur. Une semaine dans ce petit paradis à l’italienne, encore écrire, constater l’après-midi qu’un texte ne marche pas, le réécrire le soir, le répéter le lendemain matin dans la voiture, et c’est reparti, encore avancer dans la musique grâce aux richesses qu’apporte Lydia, et à nouveau une présentation publique en petit comité.


Eh bien j’ai la joie de vous l’annoncer: cette fois, ça fonctionne! Plus simple, plus drôle, plus surprenant, plus émouvant, plus marrant à jouer... Qu’allez-vous en penser? Je n’en sais rien encore! Mais ceux qui l’ont vu nous en ont dit beaucoup de bien; et surtout… Comment décrire ce sentiment sans avoir l’air fat? Disons que l’on sait, à l’instant où l’on est sur scène, si le bateau vogue et vous répond ou s’il prend l’eau (sans qu’on sache forcément par où!). Que cette fois, j’ai l’impression que je vais avoir bien du plaisir à naviguer dedans… Et que nos tout premiers passagers en ont eu autant.


(Ici, discret hurlement de joie sauvage.)